dimanche 22 février 2009

le faune

Place François 1er, Paris reprend son souffle.
J'ai oublié mon nom et perdu mon gant, mais les statues de la fontaine m'enveloppent d'un regard serein. Au fond du bassin vide, un faune danse au rythme des sifflements du vent.
Il vole et il me nargue, sautant d'un bord à l'autre, en équilibre surnaturel, se drapant dans la fumée de ma cigarette et rebondissant sur le nez d'un Cupidon figé par l'hiver. Une dernière volte et le voilà face à moi. Il me vole un baiser et part à la conquête d'une autre pièce d'eau en m'entraînant à sa suite.

Devant les verrières du Grand Palais qui s'illuminent d'aurore, il discute à présent de l'air le plus sérieux du monde avec la belle Calypso qu'il retrouve chaque jour à cette heure matinale, pour lui dérouler les facéties des noctambules gracieux, et la désennuyer du spectacle des touristes bovins qui viennent s'échouer à ses pieds en un ressac éternel. Je m'installe pompeusement entre le faune et la néréïde et profite un instant du spectacle de la ville qui s'éveille.

Après cette halte, la danse du faune nous mène au pied de la colonne Vendôme. La place nous appartient, à nous et au vieux hibou qui plane à l'entrée du Ritz. Le faune, faussement civilisé, salue très bas le hérault, lui fait une grimace, et nous plongeons dans la porte à tambour en ricanant comme des satyres. A l'intérieur, une jeune femme fripée nous observe depuis la bergère où elle attend depuis trois siècles, et, sorti tout droit d'un cadre en or vieilli, un Hemingway hiératique traverse le salon, traînant sa vie sans bruit et sur roulettes sur la moquette épaisse.
Il se saisit d'un quotidien et contemple les pages grises d'un air absorbé, faisant semblant de ne pas écouter le babillage des deux oiseaux de nuit venus s'échouer sous les ors gris du grand salon. On croise en sortant les premiers étrangers venus polluer l'air parisien de leurs beuglements béats, et la vue de leurs chaussettes montantes nous inspire des voeux de malheur.

Nous tirons donc notre révérence à ces odieux pachydermes et disparaissons comme le songe d'une nuit de printemps.

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